Coumarines et dicoumarol : la confusion

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Les coumarines sont des composés aromatiques naturellement présents dans de nombreuses plantes médicinales. Connues pour leurs effets bénéfiques, elles suscitent pourtant certaines inquiétudes, souvent liées à une confusion persistante avec le dicoumarol, un dérivé anticoagulant formé dans des conditions spécifiques. Si la coumarine elle-même n’est pas un anticoagulant, sa transformation accidentelle en dicoumarol — notamment lors d’un séchage inadéquat — peut représenter un véritable danger.
Dans cet article je vous propose de faire le point sur les propriétés des coumarines, leur transformation potentielle en dicoumarol, et les précautions à prendre lors de l’utilisation de plantes comme le mélilot ou l’aspérule odorante.

L’histoire..

C’est en observant des hémorragies chez du bétail nourri avec du foin moisi de Mélilot que les chercheurs ont découvert, dans les années 1920-40, le rôle du dicoumarol. Cette découverte a conduit au développement d’anticoagulants de synthèse tels que la warfarine.

Coumarines : origine, structure et propriétés

Les coumarines sont des lactones aromatiques issues du métabolisme secondaire des plantes. Leur structure de base repose sur un noyau benzopyrone, et de nombreuses variantes existent selon les substitutions chimiques : coumarines simples, furanocoumarines, pyranocoumarines, etc.

Parmi les plantes courantes riches en coumarines, nous avons : Melilotus officinalis (mélilot), Galium odoratum (aspérule odorante), et Dipteryx odorata (fève tonka). Certaines plantes contiennent également des dérivés coumariniques : Cinnamomum verum (cannelle), Lavandula angustifolia (lavande).

Propriétés principales :

  • Vasculoprotectrices : amélioration de la circulation veineuse et lymphatique
  • Antioxydantes : neutralisation des radicaux libres
  • Antimicrobiennes et antifongiques
  • Sédatives légères

Leur parfum, évoquant le foin coupé ou la vanille, est également apprécié en parfumerie et en agroalimentaire. Cependant, en raison d’un potentiel hépatotoxique à forte dose, leur usage est encadré au sein de l’Union européenne.

Dicoumarol : un anticoagulant issu de la fermentation

Le dicoumarol n’est pas une molécule naturellement présente dans les plantes, mais un produit de transformation. Il se forme lorsque des plantes riches en coumarine, comme le mélilot, fermentent en milieu humide sous l’action de champignons (notamment Penicillium ou Aspergillus).

Le dicoumarol agit comme un antivitamine K : il inhibe la régénération de la vitamine K réduite, indispensable à l’activation des facteurs de coagulation sanguine. Ce mécanisme explique ses effets anticoagulants puissants, mais aussi son risque hémorragique en cas de surdosage.

Focus sur deux plantes : mélilot et aspérule odorante

À l’état frais, ces plantes sont sans danger. Le risque apparaît lors d’un séchage lent, ou en présence d’humidité, qui favorisent la fermentation et donc la formation de dicoumarol.

Mélilot (Melilotus officinalis)
Fabacée européenne, le mélilot est utilisé en phytothérapie pour soulager les troubles veineux et lymphatiques, et induire le sommeil.

Mélilot officinal, circulation sanguine et sommeil

Aspérule odorante (Galium odoratum)
Plante des sous-bois, l’aspérule libère sa coumarine (sous forme de glucoside) au séchage. Elle est appréciée pour sa capacité à apaiser les spasmes intestinaux et à calmer un état anxieux. Son arôme est utilisé dans des boissons comme le Maitrank.

asperule odorante

Anxiété et intestins sensibles, vive l’aspérule odorante ! 

Quelles précautions pour les plantes à coumarines ?

  • Récolter les plantes par temps sec
  • Sécher rapidement, à l’abri de la lumière, dans un endroit ventilé
  • Conserver dans des contenants hermétiques, au sec

Pour conclure…

Il est fondamental de distinguer la coumarine naturelle — non anticoagulante — du dicoumarol, produit de transformation ayant une action pharmacologique puissante. Cette confusion peut mener à des erreurs, notamment en officine ou dans les conseils en phytothérapie.

Bibliographie :

  • Bruneton, J. (2009). Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales (4e éd.). Paris : Lavoisier – Tec & Doc.
  • Rashed, K. (2021). Biological Evidences of Dicoumarol: A Review.

Coumarines et phototoxicité : une confusion fréquente

Résumé Les coumarines, une vaste famille de composés présents dans de nombreuses plantes, sont parfois associées à un risque de photosensibilisation. Toutefois, cette généralisation est inexacte ! Seules certaines sous-classes, notamment les furocoumarines (ou...

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